Les travaux de Rêve de Scènes Urbaines, le démonstrateur de Plaine Commune, portent sur la construction d’une ville durable, inclusive, mais aussi adaptable, dans un tissu urbain existant.
Comment construire une ville durable, inclusive, mais aussi adaptable, dans un tissu urbain existant : c’est l’ambition de Rêve de Scènes Urbaines, le démonstrateur de Plaine Commune. Permettre la réversibilité des bâtiments -d’abord logement olympique, puis logement familial dont la taille peut varier au cours des ans, et, peut-être un jour, bureau-, imaginer des nouvelles formes urbaines -comme des barges sur la Seine-, lutter contre les ilôts de chaleur, développer un béton capable d’accueillir des espèces végétales, construire une usine de fabrication de béton en 3D… , le tout en impliquant habitants et entreprises locales, sont quelques unes des 47 idées développées par le démonstrateur et déjà pré-sélectionnées par la collectivité.

La Cité du cinéma sera le restaurant du village olympique. ©CBernard
Car si tous les DIVD sont l’occasion de tester de nouvelles façons de co-construire la ville entre acteurs publics et privés, RSU est, en la matière, une expérimentation originale : ici, près d’une centaine d’entreprises de toutes tailles sont réunies dans l’association. Tous les mois se réunit le comité stratégique, sous forme d’ateliers sur différents thèmes : « la rénovation urbaine par exemple », explique Nelly Philipponat, directrice des bâtiments durables à Saint Gobain et très active dans le démonstrateur. Dès qu’une idée semble prometteuse, différents acteurs, petits et gros, nationaux et locaux, planchent sur la rédaction d’une « fiche » . Tous les six mois, quelque 150 idées sont ainsi soumises à la collectivité qui, ensuite, choisit celles qu’elle entend soutenir. « Cela permet aux industriels d’être impliqués dans la construction de la ville dès l’amont, et pas seulement dans sa réalisation », explique José-Michaël Chenu, de Vinci, président de l’association, qui poursuit : « et cela provoque une sorte de réaction en chaîne : plus on avance, et plus on a envie de proposer des idées ! » En juin 2017, RSU a du reste obtenu l’autorisation d’étendre son champ d’action, et de constituer un réseau d’une dizaine de villes.
« Les entreprises ne doivent pas travailler en vase clos »

Patrick Braouezec, président de Plaine commune.
– Qu’apporte Rêve de Scènes Urbaines à votre territoire ?
PB : au départ, la démarche nous avait laissés sceptiques : nous craignions qu’il s’agisse d’une forme de partenariat public privé nouvelle formule, avec un risque de privatisation de la ville. Mais nous nous sommes lancés dans l’aventure et ce démonstrateur s’intègre parfaitement dans notre réflexion sur la façon de préparer la ville aux mutations numériques.
– Vous discutez avec une association de plusieurs dizaines d’entreprises. Comment procédez-vous ?
PB : nous avons dès le départ fixé des objectifs et des règles du jeu pour que les projets n’échappent pas à la maîtrise publique. Ainsi, nous souhaitons que les habitants et les salariés soient associés, tout comme les entreprises et associations du territoire. Les entreprises ne doivent pas travailler en vase clos. Nous avons également déterminé des thématiques, comme la lutte contre la précarité énergétique, les mobilités douces, ou la réversibilité des bâtiments. Enfin, tous les projets sont analysés par nos équipes, puis soumis à un jury composé d’élus qui valide ceux que nous portons.
– Quel bilan en tirez-vous ?
PB : nous avons étudié près de 300 idées et en avons retenu une quarantaine, dans des domaines très variés et avec des idées parfois très originales, comme la création de murs anti-bruits constitués d’éoliennes urbaines. Nous avons réussi à créer une sorte de PPPP, autrement dit une nouvelle forme de partenariat entre le public, le privé et la population.
Avec ses poutres apparentes et ses vastes espaces hérités de son passé industriel, le Domolab, inauguré par Saint Gobain à l’automne 2011, préfigure la démarche empruntée par Rêve de Scènes Urbaines, le démonstrateur dont l’industriel est un membre actif : ici, comme sur Plaine Commune, il s’agit en effet d’innover, certes, mais sur l’existant. Le spécialiste des matériaux de construction a donc rénové et remodelé l’espace pour qu’il témoigne de son savoir-faire. Les visiteurs peuvent donc comprendre comment se met en œuvre le confort thermique, mais aussi phonique ou lumineux d’un espace. Clients, partenaires industriels, mais aussi délégations étrangères, se succèdent dans cet espace devenu l’un des lieux de référence de Rêve de Scènes Urbaines.
José-Michaël Chenu (Vinci), président de Rêve de scènes urbaines
« Nous sommes un partenaire de la ville »
Que vous apporte la démarche du démonstrateur ?
JMC : Depuis Haussmann, nous sommes, en France, dans une logique de fabrication d’espace urbain extrêmement abouti. Et ce, grâce à des modèles de participation du privé dès l’amont. Il y a quelques siècles déjà, les grands industriels participaient à la fabrication de la ville. C’est ainsi que les Freyssinet, Saint-Gobain, Vicat, Lafarge et autres ont sans arrêt coopéré avec de grands architectes et de grands bureaux d’études sur des logiques de réflexion commune innovantes, au profit des villes et des territoires. Le démonstrateur Rêve de scènes urbaines permet à nouveau aux industriels de faire des propositions d’innovations urbaines au territoire.
En quoi les dernières décennies ont-elles été différentes ?
JMC : Après la guerre, il y avait une urgence à reconstruire le pays. Progressivement, les méthodes de travail sont devenues séquentielles, et la logique de silo l’a peu à peu emporté sur la concertation et la coconstruction. À la fin du XXe siècle, on a fini par constater que les industriels n’intervenaient plus qu’en aval et en exécution.
En quoi RSU change-t-il vos façons de procéder ?
JMC : Avec Artelia et Veolia, Vinci avait participé à la mise au point d’un simulateur numérique de la ville durable pour la ville de Santiago du Chili. Quand l’appel à projets des DIVD est sorti, nous avons proposé, avec nos partenaires, à Plaine commune, une réponse originale consistant à fabriquer une plateforme de coopération entre acteurs de la ville : l’association Rêve de scènes urbaines. Celle-ci doit proposer de manière régulière à Plaine commune des idées d’innovations urbaines. Certaines de ces idées, lorsqu’elles correspondent au projet de territoire, sont retenues par Plaine commune. Elles sont ensuite développées et mises en œuvre par les adhérents de l’association. Dès la première année, 300 idées ont ainsi été proposées pour le quartier du village olympique. Pendant cette période, Rêve de scènes urbaines a appris à connaître le territoire de Plaine commune, particulièrement représentatif des enjeux de la ville de demain.
