Pour l’ONG, la résilience – physique, climatique, sociale, économique – d’une ville se construit nécessairement avec ses habitants.
En 2012, l’ouragan Sandy frappe la côte est des Etats-Unis – dont New York -, faisant plus d’une centaine de morts et des dégâts estimés à plus de 60 milliards de dollars. Un événement dramatique, qui marque les esprits. « Jusqu’à Sandy, les Américains pensaient que Katrina – qui, en 2005, avait dévasté la Nouvelle Orléans – était un ouragan extraordinaire que l’on ne voyait qu’une fois dans sa vie.
Avec Sandy, leur perception a totalement changé, et les nombreuses tempêtes tropicales de 2017 – Harvey, Irma, Maria – n’ont fait qu’accentuer cette prise de conscience », explique Amy Chester, directrice générale de l’ONG new-yorkaise « Rebuild by design ».
Un enfant de Sandy
Rebuild by design est un enfant de Sandy. « Pour aider à la reconstruction des villes touchées, le gouvernement fédéral a lancé un grand appel à projets. Dix équipes ont été sélectionnées, non sur leur projet précis de reconstruction, mais sur leur profil et sur leur approche du processus de réhabilitation. C’est alors que nous sommes intervenus ».
Ancienne collaboratrice de l’ex-maire de New York Michaël Bloomberg, Amy Chester en est convaincue : une ville résiliente ne se construit pas à distance, mais en collaboration étroite avec ses habitants, ses décideurs, ses professionnels. Pendant trois mois, l’ONG a donc emmené les dix équipes sur les lieux de leurs projets, histoire de les plonger dans les problématiques réelles et de les mettre en relation avec les acteurs locaux. Elles ont ensuite eu quatre mois pour mettre noir sur blanc leur vision détaillée des opérations à mener.
Pas de résilience physique sans résilience sociale
Sept d’entre elles ont obtenu les financements requis et les travaux doivent commencer en 2019. Ainsi, à Bridgeport, dans le Connecticut, où une partie importante de la ville est exposée à une montée du niveau des eaux, le projet gagnant Resilient Bridgeport [1] va élever le niveau d’une rue, installer des brises-lames en haute mer, mais aussi construire un centre de résilience dédié aux habitants, et qui pourrait aussi, en cas de besoin, accueillir jusqu’à 1500 personnes.
A New York, Big U [2] se propose de construire un système de protection contre les eaux tout autour de Manhattan, en forme de U. Les structures protectrices – par exemple des parcs – seront également des zones récréatives et de rencontre sociale : « il faut protéger Manhattan, mais le faire en favorisant son épanouissement », explique le projet gagnant. Il met un soin tout particulier à conserver, autant que faire se peut, une certaine mixité sociale : « car le changement climatique rend encore plus difficile le défi de proposer des logements abordables dans Lower Manhattan, qui compte pourtant 95 000 ménages peu favorisés », explique le consortium gagnant.
Et de fait, « la résilience physique des villes ne doit pas se faire au détriment de leur résilience économique ou sociale », complète Amy Chester. « Car les travaux réalisés après une catastrophe naturelle peuvent rendre une zone plus attractive et accélérer sa gentrification. D’où l’importance de penser les aménagements avec les habitants ! »
Des partenariats locaux indispensables
Cette démarche a fait tache d’huile : Rebuild by design a été contactée par d’autres villes, puis elle a noué un partenariat avec 100 Resilient cities, une institution créée par la Fondation Rockefeller, qui est également le plus gros financeur de Rebuild by design. Avec 100 Resilient cities, qui aide les villes à être plus résilientes physiquement, économiquement et socialement, elle met en œuvre sa démarche PPP : « a public, private, people partnership », comme l’explique Amy Chester, autrement dit, un partenariat entre le public, le privé et les habitants. « Car chaque cité est différente, et ceux qui la pratiquent au quotidien sont ceux qui la connaissent le mieux. »
Ainsi, à Los Angeles, elle a mené une large concertation, baptisée « Building forward LA » avec les architectes, ingénieurs, designers, urbanistes et chercheurs locaux pour trouver un moyen d’adapter de façon souple les règles de construction aux impératifs de résilience. « Par exemple, les règles anti-sismiques prévoient de construire des immeubles suffisamment résistants aux tremblements de terre pour que les habitants ne soient pas en danger lorsqu’un tel événement se produit. En revanche, des fissures peuvent se produire qui mettent en cause la durabilité du bâtiment. On pourrait accorder des permis supplémentaires – par exemple le droit de construire plus haut- à ceux qui s’engagent à faire encore mieux que les règles».
A San Francisco, où a lieu une compétition baptisée « Resilient by Design/ Bay Area Challenge », Rebuild by Design mène avec les dix équipes présélectionnées un travail similaire à celui engagé suite à l’ouragan Sandy. A Boston, Rebuild a participé à la conception du plan « climat ready Boston », qui entend préparer la ville au changement climatique tout en réduisant les inégalités sociales. Mais avec ses cinq salariés, Rebuild sort désormais des Etats-Unis : il pilote d’ores et déjà deux projets au Mexique et un à Porto Rico.
[1] Projet développé par WB unabridged avec Yale ARCADIS; Waggonner and Ball Architects, unabridged Architecture, BumpZoid, Dorgan Architecture & Planning, Mississippi State University Gulf Coast Community Design Studio
[2] Big U est un projet de BIG Team, piloté par le Bjarke Ingels Group, et co-piloté par One Architecture, Starr Whitehouse, Buro Happold, Level Infrastructure, Arcadis, James Lima Planning & Development, Green Shield Ecology (ecology), AEAConsulting (arts & cultural planning), Project Projects (graphic design), and the School of Constructed Environments at Parsons The New School.