Plusieurs ministres et secrétaires d’Etat présentaient le 14 mai 2018 la stratégie gouvernementale pour développer les véhicules autonomes, et leur expérimentation sur route ouverte qu’ils entendent démarrer dès 2019.
Alors qu’Uber dévoilait la semaine dernière son projet futuriste de taxis-volants, commercialisables en 2023, la réponse gouvernementale française se faisait encore attendre quant à la stratégie à adopter en matière de véhicule autonome. Le président Emmanuel Macron avait déjà, lors de la présentation des orientations françaises sur l’intelligence artificielle en mars dernier, saupoudré quelques mesures en matière de véhicule autonome.
C’est chose faîte depuis le 14 mai 2018 où les ministres de l’Economie, Bruno Le Maire, des Transports, Elisabeth Borne et le secrétaire d’Etat au Numérique Mounir Mahjoubi, se sont succédé à la tribune pour lancer le coup d’envoi de la stratégie gouvernementale sur le véhicule autonome, position nourrie par le rapport public piloté par Anne-Marie Idrac, ancienne présidente-directrice générale de la RATP et secrétaire d’Etat aux Transports de 1995 à 1997. Ce cadre légal sera affiné au cours des discussions sur le projet de loi Pacte, déposé en juillet 2018 à l’Assemblée nationale. Tout en ouvrant les vannes de la circulation de véhicules autonomes (jusqu’au niveau 5) sur routes ouvertes, la loi devra définir le régime de responsabilité pénale des constructeurs automobiles en cas d’infraction au code de la route ou d’accident.
Souveraineté technologique
Alors que les expérimentations de navettes ou de véhicules autonomes sont encore rares à l’échelle du territoire, cantonnées à des voies dédiées et peu confrontées au trafic en zone urbaine dense, Bruno Le Maire a ouvert le débat sur l’idée que la France ne devait pas “subir les transformations technologiques en cours” mais “ouvrir la voie”. Face aux géants américains et chinois en la matière, le locataire de Bercy prône “la souveraineté technologique” française, voire européenne. Il a également assuré que “l’Etat participera financièrement aux expérimentations, afin que nos industriels, chercheurs, PME puissent se développer dans les meilleurs conditions possibles”.
Cette participation financière est pour l’heure budgétée à 300 millions d’euros selon la ministre des Transports Elisabeth Borne, qui y inclut de potentiels fonds européens. “Le rôle de l’Etat sera également de fixer un cadre qui traduit l’intérêt général”, précise-t-elle tout en axant la stratégie gouvernementale sur trois thèmes : la facilitation des expérimentations, une régulation adaptée en direction des infrastructures et du cadre législatif, et “la création de l’utilité du véhicule autonome dans tous les territoires”. Si la stratégie gouvernementale débutera en 2019, Elisabeth Borne précise que les cadres réglementaires (sécurité routière, infrastructures adaptées) et législatifs (responsabilité pénale, éthique, protection des données) se préciseront peu à peu, pour donner lieu à un “modèle pérenne” à l’horizon 2022.
Les enjeux de l’acceptabilité
Si les astres semblent alignés pour l’ouverture des routes françaises aux véhicules de demain, rien n’est moins sûr quant à l’acceptabilité de ces nouveaux modes de transport par la population française. Dans son rapport public, Anne-Marie Idrac alerte d’ailleurs : “l’acceptabilité mérite une attention particulière et ne doit pas être considérée comme acquise”. Elle pointe notamment “un défaut de familiarisation avec les technologies de délégation de conduite, voire une absence complète de connaissance”, tout en estimant que la France “se réfère systématiquement à la Silicon Valley en la matière”. Selon Elisabeth Borne, le travail sur l’acceptabilité devra se faire par le biais des collectivités locales, tout en avançant l’idée de “conférences citoyennes” organisées par l’Etat.
Au-delà de la phase transitoire de conduite à délégation de conduite, l’acceptabilité revêt également des inquiétudes en matière de cyber-sécurité et de protection des données. A cet effet, Anne-Marie Idrac appelle à “ développer la culture en matière de cyber-sécurité auprès de l’ensemble des acteurs des filières”, dans la mesure où, il n’existe pas encore “d’exigence de nature à réduire les risques liés à la cyber-sécurité ”. La rédactrice du rapport pose quelques jalons, notamment des “audit de conformité et tests d’intrusion avant toute mise en circulation d’un nouveau type de véhicule”, la mise à jour régulière des paramètres de sécurité des véhicules, ou l’installation obligatoire d’un mode “dégradé/manuel en cas de problèmes”.
Bonne utilisation des données privées
Sur le plan des données personnelles, c’est un cadre réglementaire européen qui est entré en vigueur en mai 2018 avec l’application du “Règlement général sur la protection des données” (RGPD). A l’échelle nationale, une balise supplémentaire s’ajoute avec le “pack de conformité” développé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) en accord avec les acteurs de la filière automobile, des assurances et des télécoms. Celui-ci vise à intégrer dans les futures modèles de véhicule autonome, une ligne de conduite sur la bonne utilisation des données privées.
Les premières bases stratégiques ayant été posées, il s’agit désormais de suivre au cours des discussions sur la loi Pacte, quel cadre législatif et réglementaire couvrira les futures expérimentations sur route ouverte. La loi d’orientation sur les mobilités, présentée par Elisabeth Borne définira quant à elle une enveloppe plus précise allouée au développement des véhicules autonomes, et les modalités des expérimentations en zone urbaine dense comme en territoire rural.