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Thierry Lajoie : « À la smart city, je préfère la ville complète » - Urban Utopia

Thierry Lajoie : « À la smart city, je préfère la ville complète »

Le directeur général de Grand Paris Aménagement, premier aménageur de la région Île-de-France, décrit les disruptions en cours et les conséquences du passage d’une ville fabriquée par l’offre à une ville produite par la demande.

Quel est votre regard d’aménageur sur la smart city ?

Je préfère le terme de ville complète. Rudolf Giffinger évoque la réunion de six intelligences pour que se crée la smart city, concept dont il est l’inventeur : celle de l’économie, de la mobilité, de l’environnement, de l’habitant, des modes de vie et de l’administration. À l’opposé, en fait, de l’urbanisme monofonctionnel et de procédures qui a prévalu au cours des dernières décennies. C’est mon premier angle pour décrire la ville de demain.

Vous parlez aussi de l’espace et du temps ?

Pour l’aménageur, la question devient moins celle de l’espace que du temps. En 2050, près de 80% de la population mondiale vivra en ville. Jean-Louis Missika a raison lorsqu’il affirme que le XIXe siècle était celui des empires, le XXe celui des nations et que le XXIe siècle sera celui des métropoles. Tout part de la concentration urbaine. L’une des conséquences est que l’on ne saurait concevoir désormais de grands ensembles urbains au sein desquels tout le monde fait la même chose au même moment. Dès lors, faire la ville de demain interroge des fonctions urbaines complètes, plurielles, aux mêmes endroits, réversibles, mutables. On ne peut plus rentrer que par les usages, qui bougent tout le temps : à l’instant T comme dans le temps.

Quelles en sont les conséquences concrètes ?

Aujourd’hui, les immeubles doivent être mixtes, mais surtout évolutifs. Par exemple, le logement doit pouvoir changer de taille selon les périodes de la vie, de ses occupants, selon l’année, un week-end sur deux, au rythme des variations de leur occupation, et l’immeuble doit proposer une mixité intrinsèque de typologie. C’est la révolution bâtimentaire. Par ailleurs, une ville-monde, c’est une ville qui met des polarités en réseau, en s’appuyant sur les mobilités, la communication, l’assainissement, l’énergie… C’est une ville qui a plusieurs frontières, selon les sujets. C’est une ville polycentrique qui, idéalement, n’a donc plus de frange ou de périphérie. C’est sans doute l’une des raisons qui font que les autorités politiques ont tellement de mal à s’accorder sur les frontières administratives du Grand Paris… car aucune ne peut être totalement pertinente, la ville-monde se réduisant mal à des périmètres.

Vous parlez également d’un passage de la ville physique à une ville immatérielle ?

Ma troisième entrée, à propos de la ville de demain, est en effet le passage d’une ville essentiellement physique à une ville devenant immatérielle, sous la pression de la globalisation et de la digitalisation. Nous sommes en train de basculer dans un modèle où ce qui a de la valeur n’est plus le bien, mais son usage. Cela signifie que là où l’on pensait objet, on pense service. Là où l’on raisonnait collectif, il faut penser addition d’individus. Là où l’on pensait déplacement, on va penser réunion des usages, là où notre approche était top-down, elle doit être bottom-up… Cela change en tous points le paradigme de la production comme de l’usage de la ville.

Quels exemples illustrent ces changements ?

Prenons celui du poste de télévision. Ce fût un objet de valeur. Il ne vaut désormais plus grand chose. A l’heure de Netflix, nous sommes passés d’une logique de l’offre à une logique de la demande : la chaîne de télévision n’est plus aux commandes, le « téléspectateur » l’est.  La mobilité constitue un autre exemple de ces ruptures radicales, rendant incertaines les frontières entre le public et le privé, l’individuel et le collectif. L’avènement proche de la route connectée et de la voiture autonome, décarbonée, va profondément changer la donne. L’incidence de ces changements sur la fabrique de la ville est considérable.

Ces ruptures sont inédites par leur ampleur ?

Si on lie la question de l’immatérialité à celle du temps, l’aménageur peut légitimement être saisi de vertige. Comment fabriquer aujourd’hui des morceaux de ville dont les dernières livraisons interviendront dans dix, quinze ou vingt ans, alors que l’on ignore quelles en seront alors les technologies et les usages ? Il y dix ans, nos smartphones et leurs applications n’existaient pas ! Les solutions résident dans la mutabilité, l’adaptabilité, la réversibilité, l’agilité en somme. J’ai beaucoup d’espoir dans l’action de ce gouvernement pour résoudre ce type de questions qu’il appréhende avec un logiciel renouvelé.

Thierry Lajoie accueille Jacques Mézard, Docks de Ris, © Jgp

Les lignes bougent également dans la répartition des rôles entre le public et le privé ?

Il y a quinze ans, personne n’imaginait en France qu’autant de crèches prendraient place dans des bâtiments privés (et non des équipements publics), exploitées par des sociétés privées ou des associations (et non plus par les municipalités). Ce fonctionnement est-il extensible demain à d’autres équipements publics ? Pourquoi les murs d’une école devraient-ils davantage être publics que ceux d’une crèche ? Le moment est peut-être venu, pour faciliter la construction de la ville et améliorer les services aux habitants, de se pencher tous ensemble sur ces questions de statuts et de régulations, dans l’objectif de maîtriser des mutations en cours, plutôt que de seulement les subir.

Près de Bogota, après la construction d’une tour financée par le biais du crowdfunding, une ville entière va s’élever grâce à des mécanismes de financement et d’investissement via internet. Voilà comment nous assistons à la naissance d’une ville de la demande et non plus de l’offre. Mais alors, que devient le métier de promoteur, d’investisseur commercial, de bailleur social demain si ce sont des habitants qui, sur des plateformes technologiques participatives, contribuent à créer leurs propres villes et leurs propres logements ?  Il existe des start-up, y compris françaises, dont je pense qu’elles sont les licornes de l’aménagement de demain. Mais tout cela pose la question des solidarités, territoriales et sociales… Comment vivront et habiteront ceux d’entre nous qui n’auraient ni l’accès ni les moyens pour ce type d’investissements ? Si une partie de la ville se privatise, quelles sont les fonctions nouvelles des puissances publiques ?

Vous évoquez également, à Paris, la tentation du repli ?  

Le succès de Paris, que l’on voit aujourd’hui comme patrimonial, c’est d’avoir toujours su se transformer. Il n’y a pas un siècle où Paris n’a pas créé sa propre densification et sa propre hauteur. C’est sa richesse. Paris est l’une des villes les plus denses du globe, dotée de magnifiques émergences, connues dans le monde entier, et il faudrait que cela s’arrête ?  C’est aussi une ville qui a su étendre ses frontières pour mieux les intégrer. Ce processus s’était interrompu en 1860. Il reprend avec le Grand Paris. Encore faut-il que ce Grand Paris adopte la densité qui a fait historiquement le succès de Paris. Autant il est fondamental de bien penser les espaces de respiration de la ville-monde (l’aménageur doit être aussi attentif à la qualité du « vide » qu’à celle du « plein »), autant il n’y aura pas de ville-monde naissant d’un urbanisme faubourien. Le Grand Paris ne se construira pas de « R+3+combles » avec la même chambre de 9 m² pour tous ses enfants…

Tout cela doit conduire, selon vous, l’Etat à se réformer plus encore ?

Les puissances publiques, et l’Etat n’y déroge pas, se construisent sur des silos verticaux. Or la caractéristique du monde global, écologique et numérique, c’est qu’il n’est pas vertical mais horizontal, et qu’il n’est pas en silo mais en cloud. La difficulté d’adaptation du système français à cette économie nouvelle résulte donc d’abord du fait qu’il existe une tradition française forte, très respectable au demeurant, qui voudrait que la puissance publique impose tout, seule et par le haut. Je suis convaincu que ce modèle est caduc.. La deuxième difficulté française provient de ce que nous évoluons dans un monde de vitesse et d’agilité. Or nos règles et nos administrations, nationales et locales, demeurent encore trop lentes. Cela se retrouve dans la fabrication de la ville. Il est temps de dépasser ces clivages, ces tensions, en multipliant les coopérations et les coproductions. Entre niveaux de puissance publique, avec le marché, avec les habitants. Tous les acteurs qui travaillaient plutôt séparément ou séquentiellement doivent désormais travailler ensemble et concomitamment.

 

 

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