De nombreux acteurs français ont participé, du 18 au 20 avril 2018, à la 3° édition de la Smart city expo de Casablanca. Un événement qui veut être le hub africain de la ville intelligente mais surtout inclusive.
« Casablanca se situe au premier rang mondial dans l’usage des nouvelles technologies pour améliorer la vie des habitants », a déclaré Ricardo Zapatero, directeur en charge du développement international de la Fira de Barcelone (*), co-organisateur de l’événement, le 18 avril 2018, lors de la séance inaugurale, dans une salle des congrès de l’Hyatt Regency comble.
Mohamed Jouahri, directeur de Casablanca Events et animation, s’est félicité lors de cette même session d’ouverture, de la participation de représentants de 30 nationalités, avec la ville de Shangaï en invité vedette. Et une forte présence française. « Casablanca constitue un cas d’école des enjeux de la smart city », a fait valoir Nicolas Buchoud, lors d’une table ronde dédiée au financement et à la réglementation de la ville intelligente et à la nécessité de leur évolution.
« On ne peut penser tech sans penser social », a poursuivi le président de Renaissance urbaine, reprenant en l’espèce le leitmotiv de ces trois jours de débats fructueux. La nécessité de placer le citoyen, l’habitant, l’usager de l’administration au centre des préoccupations a été martelée par l’ensemble des intervenants. Logique dans un pays où les besoins élémentaires (accès à l’eau, à l’éducation, à l’emploi) demeurent insatisfaits pour une frange importante de la population.
Augmenter les recettes fiscales
Ce n’est pas un hasard si l’accès de 10 000 ménages aux services essentiels figurent parmi les objectifs fixés avec Casablanca par le Fonds mondial pour le développement des villes (FMDV) dans le cadre d’un prêt de 172 millions d’euros sur 20 ans. L’augmentation (de 40 %) de son produit fiscal, la modernisation de la gestion de ses recettes, la mise à niveau de 116 km de voiries ou encore la simplification et la numérisation des procédures administratives de la ville de Casablanca figurent également parmi les buts fixés, dont l’atteinte conditionne le déblocage des fonds, comme l’a indiqué Karim Slimani, du FMDV. Or les technologies numériques se révèlent d’une efficacité redoutable pour améliorer la collecte des impôts locaux, a-t-il fait valoir.
Les 1 500 projets du Grand Paris
Parmi les Français présents au congrès, Vincent Gollain est venu présenter comment le Grand Paris constituait une occasion pour que la Région capitale change d’image, et quitte son cantonnement à la rubrique Culture/Tourisme. Le directeur du département économie et développement local de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme d’Ile-de-France (IAU) a rappelé à Casablanca « les 1 500 projets urbains déjà générés par le Grand Paris express ».
Gérard Wolf, président de la task force ville durable du Medef international, figurait également parmi les intervenants du congrès, de même que Christian Gillet (Deloitte), co-auteur avec Nicolas Buchoud d’un rapport présenté à cette occasion, (voir par ailleurs). Le consultant a souligné que les technologies numériques pouvaient permettre au Maroc de sauter des étapes, citant notamment un taux d’équipement record en téléphones portables, de 130 %. Christian Gillet n’a pas manqué de rappeler l’impulsion très forte donnée en l’espèce « par sa majesté le roi ».
La maire de Mulhouse a présenté à Casablanca les différentes facettes « smart » de sa ville. Dans le cadre de « Mulhouse diagonales », conçu avec les urbanistes Reichen et Robert & associés, la cité va faire sauter les dalles qui recouvrent ses nombreux canaux, ressuscitant leur charme et leur utilité, contre les îlots de chaleur notamment. Mulhouse a créé par ailleurs un compte mobilité, avec une application fusionnant en son sein le paiement des différents modes de transport, ainsi qu’Allô proximité, une autre appli de signalement de tous désordres urbains, également décrite à Casablanca.
Paiement sans contact
Coté salon, Derichebourg (services urbains) ou OpenDatasoft (open data) représentaient notamment la France. Le premier est largement présent au Maroc (voir par ailleurs), tandis que le second espère prochainement s’y implanter. « Nos solutions en mode Saas [Software as a service] permettent aux villes de présenter les données au public, en puisant si elles le souhaitent dans des applications tierces par le biais d’API », résumait Frédéric Gauzy, directeur de la zone Europe sud et Maghreb de la société parisienne, pionnière de l’open data, qui vient de signer un partenariat au Maroc avec la société MLK conseils.
Les acteurs français sont également nombreux dans les transports de Casablanca, à la billettique plus moderne qu’à Paris. C’est la société ACS, basée à Valence, récemment rachetée par le groupe Conduent, ex-Xerox, qui a réalisé les portillons sans contact du tramway casablancais. Un tramway opéré par RATP Dev, dont le matériel roulant a été fourni par Alstom et les études réalisées par Systra. « Après le paiement sans contact, Casa transport étudie les modalités de mise en œuvre des technologies NFC (paiement avec mobile) et de post-paiement », indiquait Adnane Salama, cadre système d’information à Casa Transport. La smart city n’est pas qu’une posture à Casablanca.
(*) Fira de Barcelone, co-organisatrice de la Smart city expo de Casablanca, organise également les Smart city expo catalane, québécoise (Montréal) et mexicaine (Mexico).
Touda Loufti (Casa Events) : « La Smart city expo de Casa n’est pas née hors-sol »
Cheville ouvrière et coordinatrice de la manifestation qui s’est déroulée à Casablanca du 18 au 20 avril dernier, Touda Loufti, directrice du développement stratégique de Casa Events rappelle que celle-ci n’est pas née « hors-sol » mais résulte de la vaste concertation préalable à l’élaboration du plan de développement du Grand Casablanca (PDGC 2015-2020). Une démarche participative à laquelle quelque 600 personnes représentant les autorités publiques nationales et locales mais aussi la société civile et qui fixe à Casa la vocation « d’être une smart city en forme de hub africain inclusif, plaçant le citoyen en son cœur et le reconnectant avec son territoire, résume Touda Loufti. Il s’agit de ne pas viser seulement le développement d’une ville économique, mais de renforcer l’identité de la cité », poursuit-elle.
En découle une stratégie mixant le développement d’espaces publics inclusifs avec celui des infrastructures, travaillant également sur le rayonnement et l’attractivité de la ville, par le biais de la démarche globale « We Casa ».
« Cette concertation préalable à la définition du PDGC a également abouti à l’idée de créer un événement annuel autour de ces questions, à la fois pour échanger et montrer notre savoir-faire, à l’image du mobile banking, plus développé en Afrique qu’en Europe », indique également Touda Loufti. La Smart City expo de Casablanca se veut aussi une plateforme d’échanges inter-continentale, « avec l’Asie et l’Amérique Latine, proches de l’Afrique en matière de démographie notamment », mais aussi avec l’Amérique du Nord et l’Europe, « fidèle à la tradition d’ouverture sur le monde de Casablanca ». Outre le congrès et le salon, l’événement a également donné lieu à un Créathon sur la mobilité urbaine, forum participatif sur la question des transports doublé d’un Hackathon, invitant les acteurs du numérique à inventer les nouvelles solutions pour résoudre les problèmes de mobilité urbaine.
Derichebourg : des déchets au smart-lighting
Rabat, Ifrane, Kenitra, le groupe de services urbains Derichebourg est largement présent au Maroc et opère également à Casablanca dans le cadre d’un contrat transitoire d’un an de collecte des déchets, en attendant les résultats d’un marché actuellement en cours de renouvellement. « Nous intervenons également beaucoup dans le domaine de l’éclairage publique, soulignait Thomas Derichebourg dans les allées du salon, avec le remplacement des ampoules traditionnelles par des LED qui permet des économies allant jusqu’à 30 % de la facture énergétique. »
On a beaucoup parlé d’éclairage LED à Casablanca. Ainsi, la ville de Los Angeles a réduit sa facture d’électricité de 9 millions de dollars par an pour un investissement de 55 millions de dollars. La ville de Boston a changé 64 000 points lumineux pour du LED, avec un retour sur investissement intégral en trois ans. « Hélas, l’aversion française pour les partenariats publics privés (PPP), pourtant parfaitement adaptés pour l’éclairage public, explique le faible succès des LED en France pour l’heure », indiquait un expert.
Derichebourg assortit l’éclairage LED à des outils de monitoring, à Agadir notamment, définissant avec la ville des zones nécessitant un éclairage moindre que d’autres. Elle propose également des candélabres sans fils, dotés de panneaux photovoltaïques assurant leur besoin en énergie. « Nous sommes un des leaders européens du recyclage, affirme Thomas Derichebourg, qui cite notamment l’expertise du groupe en matière de véhicule hors d’usage (VHU). La société travaille actuellement avec les constructeurs d’avions afin de concevoir des aéroplanes prévus pour voir leurs composants réutilisés in fine, ce que les alliages les composant aujourd’hui ne permettent guère.
L’ouverture du « plus grand théâtre d’Afrique », place Mohammed 5 à Casablanca est annoncée pour fin 2018. L’équipement, dessiné par Christian de Portzamparc, devra d’ici là être confié à une équipe de gestion, d’animation et de programmation, inconnue à cette heure. D’une surface de plus de 20 000 m2, il sera doté de salles polyvalentes et modulables. Outre les salles de spectacle, il sera composé d’une salle de concert en plein air, de commerces, d’espaces de restauration, d’une librairie, de salles d’exposition ou encore de cyber-espace.
Casablanca : l’immobilier en forme
« L’immobilier à Casablanca reflète à lui seul le dynamisme du Maroc tout entier », souligne Nicolas Buchoud, président de Renaissance urbaine, dans son rapport. Ainsi la demande placée de bureaux (volume des transactions locatives et ventes à l’utilisateurs) est en croissance (37 000 m2 fin septembre 2017). 2016 a été marquée par le retour des investisseurs institutionnels, dont l’opération Atrium, Boulevard Abdelmoumen, portée par le Français Amundi.
Bouygues Immobilier réalise, pour sa part, à Casablanca Finance city, les Faubourgs d’Anfa, une opération mixte qui présentera à terme des commerces de pied d’immeubles, une tour de 17 étages et 435 logements raccordés à la fibre optique, annoncée comme la première opération résidentielle labellisée HQE. A noter par ailleurs que Sogea, filiale de Vinci, vient de décrocher le marché de la gare LGV de Kenitra.
Smart city – Smart nation
Casablanca est la capitale économique d’un pays qui a le vent en poupe. Après la COP22, qui a rassemblé plus de 200 pays à Marrakech en 2016, le Maroc accueillera la grande compétition universitaire internationale Solar Décathlon en 2019, et depuis 2018, le Royaume du Maroc est officiellement candidat pour accueillir la Coupe du monde de football de 2026. « En matière de mobilité, le Royaume fait figure de leader à l’échelle africaine, avec la création du premier réseau LGV du continent, le développement du tramway et des trains régionaux dans les grandes villes, la modernisation du réseau de bus, le développement de l’industrie automobile, y compris des infrastructures intelligentes », constatent Renaissance urbaine et Deloitte dans leur rapport « Casablanca Horizon 2030 ».
« Les enjeux de smart city sont désormais croisés avec les nouvelles priorités internationales de développement durable, la lutte contre le changement climatique et la finance verte, poursuit le rapport, qui cite notamment le plan Maroc solaire » et la mise en œuvre active de l’Agenda urbain mondial comme en témoigne la présence ministérielle marocaine à Kuala Lumpur en début d’année 2018.