L’Ecole urbaine de Sciences Po a réalisé, pour le compte de la Société du Grand Paris, une étude comparative sur l’aménagement des quartiers de gares entre le Grand Paris, Londres et New York. Intitulée « Aménager le Grand Paris, regards croisés avec le Grand Londres et New York City », elle vient notamment éclairer sur les modèles – et leur pertinence – de partenariats entre sphère publique et privée.
« L’objectif de cette étude est d’apporter un regard comparatif sur les questions d’aménagement des quartiers de gare afin de renouveler les pratiques et d’apprendre d’autres métropoles. En effet, il existe à cette heure un grand nombre de connaissances sur l’impact économique du Grand Paris express, mais les pratiques d’aménagement ont encore été peu étudiées. L’efficacité des procédures d’aménagement et d’urbanisme (juridiques, opérationnelles, financières, urbanistiques) associées à un projet d’ampleur comme le Grand Paris express nécessite pourtant d’être interrogée », explique en préambule l’étude menée par l’Ecole urbaine de Sciences Po.
Six sites analysés
Pour ce faire, un groupe de six étudiants, sous le tutorat de Clément Boisseuil, chercheur associé au Centre d’études européennes, a analysé six quartiers de gare. Soit deux dans chacune des métropoles concernées. Il s’agit, dans le Grand Paris, du projet de reconversion urbaine de l’Entrepôt Macdonald (19e arr.), à proximité de la ZAC Claude-Bernard et de la gare Rosa Parks. Le deuxième site étudié concerne la ZAC Nozal-Front populaire de 40 ha au sud de Plaine Commune (Seine-Saint-Denis). On y retrouve notamment le prolongement de la ligne 12 du métro et l’établissement du Campus Condorcet.
Quatre enseignements majeurs ont été tirés par les auteurs de l’étude :
- La présence bien plus importante à Londres et à New York qu’à Paris d’acteurs privés. « Ils contribuent à la réussite des projets urbains et facilitent la tenue des calendriers de réalisation lorsqu’ils interviennent en tant que financeurs ou que maîtres d’ouvrage », souligne l’étude.
Cependant l’Ecole urbaine relève que des opérations se doivent de rester publiques comme les procédures d’acquisition foncière. Un équilibre est alors préconisé. « Notre analyse offre des pistes de réflexion sur le niveau de délégation du secteur public au secteur privé : le Grand Paris peut en effet impliquer davantage les acteurs privés dans le financement et la réalisation des projets au nom d’une plus grande efficacité », conclut ainsi l’étude.
- La sphère publique est indispensable à l’aménagement. A la fois pour donner l’impulsion, mais aussi pour coordonner les acteurs. « Les autorités publiques doivent conserver le contrôle de la programmation des projets, tout en pouvant déléguer la réalisation au secteur privé. Malgré leurs contraintes budgétaires, les collectivités doivent rester au premier plan des opérations urbaines », soutient le document. Le public doit pouvoir s’ouvrir au privé, mais sans se déposséder de ses prérogatives d’aménagement
- Si la flexibilité d’un projet peut être un élément important de son succès, « la clé de la réussite d’un projet se situe moins dans sa flexibilité ou sa rigidité que dans la façon dont il a été conçu dès le lancement », fait valoir l’étude comparative qui prône ainsi de veiller à la bonne concertation avec les habitants dès la phase amont ainsi qu’en cas de modification.
- On retrouve le caractère crucial de la concertation : « Si l’avis des populations est trop peu pris en compte, le risque est de voir émerger des protestations qui ralentiront les projets. Le temps alloué à la concertation en phase de lancement des projets urbains est donc rattrapé lors de leur réalisation. La volonté d’accélérer le calendrier en négligeant la phase de concertation peut se révéler contre-productive », soutiennent les auteurs.
Catherine Barbé est directrice des partenariats stratégiques de la Société du Grand Paris après en avoir été directrice de l’aménagement. Elle revient sur l’origine de cette étude et son intérêt pour la SGP.
Quelle est la genèse de cette étude ?
Elle s’inscrit dans le cadre d’un partenariat avec l’Ecole urbaine de Sciences Po. Depuis des années, la Société du Grand Paris accueille des stagiaires de cette école et propose des sujets d’études à ses élèves. Cette fois-ci, c’est l’Ecole urbaine qui a proposé de pousser plus loin un projet de recherche sur ce thème.
Dans quelle mesure le Grand Paris est-il comparable à Londres ou à New-York ?
Il est très intéressant de pouvoir comparer ce qui se fait à Londres ou à New-York. Le projet Crossrail, même s’il n’est pas tout à fait comparable au Grand Paris express, a commencé avant ce dernier. Nous pouvons donc analyser ses impacts socio-économiques et la pertinence des procédures à l’oeuvre. Concernant New-York, il s’agit d’une ville comparable à la métropole du Grand Paris en termes de taille. Surtout, elle vient incarner un juste milieu entre la démarche très libérale de Londres concernant l’aménagement et celle de la planification publique à la française. Une étude comme celle-ci accroît le degré de connaissance des acteurs et leur permet de mieux se positionner. Sur bien des points, la métropole du Grand Paris devance Londres ou New-York et il est important de faire valoir ces atouts aux nouveaux gestionnaires qui arrivent ainsi qu’aux décideurs. Je le rappelle, la MGP est la première métropole d’Europe.
Quels enseignements tirez-vous de cette étude ?
Nous n’arrêtons pas d’entendre que nos procédures sont trop lourdes, mais ce qu’il ressort de cette étude est que le contrôle public permet une meilleure gestion des projets. Laisser toute l’initiative aux acteurs privés comporte de trop gros risques. Des associations ou des habitants peuvent contester par exemple, et c’est tout le projet qui est annulé alors que les travaux ont déjà commencé. À l’inverse, lorsque la sphère publique est à l’initiative, les garanties sont apportées par la procédure, comme les enquêtes publiques, etc. Parmi les rares opérations d’aménagement, on apprend par exemple dans cette étude que si le gouvernement n’avait pas repris la main, la situation aurait été catastrophique.
La structure administrative française n’est elle pour autant pas trop complexe ?
Je pense que la métropole du Grand Paris en tant qu’institution est une réponse à la lourdeur administrative que l’on peut trouver en France et qui est critiquée. La MGP est une piste d’amélioration. Nous sommes déjà, de par l’esprit des lois qui la régissent, dans un processus de renforcement de son rôle moteur et coordinateur des projets d’aménagements. C’est par exemple le cas à travers l’appel à projets « Inventons la métropole du Grand Paris » dans lequel 19 sites peuvent être qualifiés de quartiers de gare. Par ailleurs, le portage par la MGP permet de donner une visibilité aux potentialité d’aménagement et permet de gagner en efficacité.